mardi 16 septembre 2014

La London Library

Cette année, j'ai visité pas mal de bibliothèque londoniennes, en partie pour pouvoir les ajouter au portfolio de mon Chartership, et surtout parce que certaines branches du Cilip organisent régulièrement des visites de diverses bibliothèques ce qui permet d'assouvir sa curiosité bibliothéconomique très facilement !
Mais de toutes celles que j'ai visitées, celle qui m'a le plus marqué c'est de loin la London Library. Si vous avez l'occasion de passer sur Londres, profitez donc des visites gratuites qu'ils organisent tous les lundis, ça vaut le détour !
Mais commençons par le commencement...


Création

La London Library a été fondée par Thomas Carlyle en 1841. Il n'aimait pas la British Library, qu'il trouvait trop bruyante et il n'aimait pas avoir à passer par les bibliothécaires pour pouvoir accéder aux livres. Il a donc décidé de créer une bibliothèque où l'on se sentirait comme à la maison, ou peut-être plutôt comme dans un club.


Le bureau d'accueil en 1935. Crédit photo : Sylvia Lewes

Les collections

Aujourd'hui, les collections de la London Library comptent plus d'un million de livres. Ils ne sont jamais désherbés, sauf les doublons des livres non-populaires. Environ 70% des collections ont été entrées dans leur OPAC mais le reste attends son tour pour être catalogué rétrospectivement. Du coup, les registres papiers (tapés à la machine ou écrits à la main !) doivent encore être utilisés.
Le premier bibliothécaire a inventé un système de classification spécifique pour la bibliothèque. Il est organisé alphabétiquement par sujets, afin d'être plus facile d'utilisation pour les non-bibliothécaires et d'encourager la sérendipité en mettant côte à côte des livres de sujets très différents.

Les collections se concentrent sur les humanités, en particulier la litérature, l'histoire et l'art. Les collections en français, allemand, italien, espagnol et russe sont aussi particulièrement importantes.

La collection de monographie inclut des livres datant du XVIème siècle à nos jours. Environ 8 000 titres sont ajoutés aux collections chaque année, ce qui oblige la bibliothèque à rajouter environ 800 mètres de rayonnages supplémentaires tous les trois ans. Cette expansion combinée à l'absence de désherbage explique pour la bibliothèque a dû beaucoup s'agrandir depuis le début de son existence. On en est au point où elle occupe tout un pâté de maisons au plein centre de Londres. Avec la récente addition de la maison de T.S. Eliot (qui était adjacente à la bibliothèque), ils estiment avoir assez de place pour les 25 prochaines années. Après ça, il leur faudra construire des extensions au-dessus des bâtiments actuels.

Dans la "Times room", la London Library possède une collection de toutes les éditions du Times depuis son ouverture. Elle possède plus de 750 titres dans sa collection de périodiques vivants et possède 2 500 titres de plus pour ses périodiques morts, certains remontant au XVIIIème siècle.
De plus, la bibliothèque souscrit à plus de 200 journaux en ligne et propose à ses membres un accès à JSTOR.

Les acquisitions (pour les périodiques comme pour les monographies) sont faites sur demande des membres et pour compléter certains trous dans les collections. La bibliothèque reçoit aussi de nombreuses donations de membres vivants ou décédés.

Les rayonnages dans le bâtiment le plus ancien.
Crédit Photo : Christopher Simon Sykes

Les Services

97% des collections sont en libre accès, ce qui signifie que d'innombrables étages de rayonnages et salles d'archives sont librement accessibles à ses membres. Toutes les étagères sont suffisamment basses pour être accessibles par la plupart sans aide. 
Une particularité intéressante vient du système d'aération, inventé pendant la construction du bâtiment victorien le plus ancien : pour laisser passer l'air librement, les sols des archives sont des espèces de grilles en fer forgé (vous pouvez les apercevoir dans la photo ci-dessus), ce qui permet de voir à travers les nombreux étages du bâtiment.

Des bureaux et des chaises sont dispersés un peu partout dans la bibliothèque, mais il y a aussi des salles d'étude dont une complètement silencieuse où les ordinateurs portables sont interdits et où un silence strict doit être respecté.
De nombreux membres utilisent la bibliothèque comme leur bureau, venant chaque jour à heure fixe et utilisant toujours le même espace de travail. Les écrivains apprécieraient particulièrement de se sentir ainsi un peu moins seul dans leur travail solitaire.


L'une des salles de lecture. Crédit Photo : Philip Vile

Les membres vivant à moins de 30 km de la bibliothèques peuvent emprunter 10 documents. Ceux qui vivent plus loin peuvent en emprunter 15. Il est possible d'emprunter jusqu'à 40 documents moyennant paiement d'un extra. La période de prêt normale est de deux mois mais peut être pronlongée indéfiniment tant que le document n'a pas été réservé par un autre membre.

Les sacs d'une taille supérieure à une feuille A4 et de la profondeur d'un livre relié doivent être laissés dans des casiers du hall d'entrée. Des sacs plastiques sont distribués aux membres pour qu'ils puissent transporter quelques objets indispensables dans la bibliothèque.


Ses membres

Vu qu'elle est complètement indépendante, l'existence de la London Library dépend entièrement des droits d'inscriptions payés par ses membres, des dons et des collectes de fonds, ainsi que de la gestion prudente de ses ressources. Elle ne reçoit aucune subvention du gouvernement.
La bibliothèque a connu un grand nombre de membres célèbres qui ont joué un rôle central dans la vie intellectuelle du Royaume-Uni (Agatha Christie, Charles Darwin, Charles Dickens, Virginia Woolf, Arthur Conan Doyle, T.S. Eliot, Winston Churchill,...). Pendant longtemps, l'inscription était réservée aux hommes mais la bibliothèque se vante désormais d'être ouverte à tous.
Dans les faits, l'inscription annuelle vaut £475 (environ 600€). Elle est payable mensuellement et un taux à 50% est proposé aux jeunes de 16 à 24 ans. Elle propose aussi un système d'aide pour les futurs membres n'ayant pas les moyens de payer la totalité de l'inscription annuelle, permettant de couvrir 30 à 60% des frais d'inscription.

Un lecteur, en 1935. Crédit Photo : Sylvia Lewes

Mon opinion

La London Library se présente comme une bibliothèque d'étude fantastique, centrée sur le confort de ses membres (avec sa salle silencieuse, sa politique de libre accès aux collections, ses périodes de prêt infiniment extensibles). La liste de ses membres et de ses présidents est vraiment impressionnante et des bâtiments eux-mêmes émane un parfum d'histoire et de littérature. Elle est vraiment superbe et surprenante (les différents architectes qui ont travaillé sur ses bâtiments ont fait un excellent travail), et ses collections sont incroyables.

Mais autant j'aimerais l'utiliser en tant que lectrice, autant elle m'apparaît professionnellement peu attrayante. Je pense particulièrement à la perspective décourageante de l'immense catalogage rétrospectif qui doit encore y être mené, et sa politique stricte de non-désherbage. Si elle continue sur cette voie, la London Library peut s'attendre à être confrontée à de sérieux problèmes structurels dus au manque d'espace pour accueillir ses collections envahissantes.


Toutes les photos de ce billet proviennent du site de la London Library et sont protégées par copyright. Vous pouvez retrouver ici les photos historiques et ici les photos actuelles.

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