lundi 22 septembre 2014

Former à la recherche documentaire sans ordinateur... Ou presque !



J'ai la chance de travailler dans une institution qui possède un public relativement divers. Dans les faits, nombreux de mes étudiants suivent leurs études à temps partiel et sont insérés dans la vie active depuis de nombreuses années.
Avec eux, le problème que je rencontre le plus, c'est une "computer literacy", une maîtrise de l'outil informatique, relativement faible, qui les empêche d'utiliser au mieux les ressources documentaires à leur disposition. Et comme je n'ai pas la possibilité de les aider à se mettre à niveau directement, il faut parfois savoir être créatif...
Voici les méthodes et les "trucs" que j'utilise pour prendre en compte leurs besoins lors de mes formations, en sept points.

Savoir à qui on s'adresse. J'envoie systématiquement un questionnaire la semaine avant la formation afin d'évaluer le niveau des étudiants. Je ne leur demande pas ce qu'ils savent faire (do you know how to...? > yes/no/I'm not sure) mais quel est leur état de confiance vis-à-vis des différents outils (how do you feel about...? > Very confident / confident / not really confident / what is that?)

Faire des groupes de niveau. Si c'est possible, diviser les étudiants en groupes de niveau c'est tellement tellement mieux !
Leur demander de se répartir eux-mêmes entre trois groupes de niveau peut marcher assez bien. Sinon, je les répartis d'autorité en fonction de leurs réponses à mon questionnaire.
Ainsi, si j'arrive à isoler les étudiants de "niveau faible", ça me permet de commencer par passer du temps avec eux pour vérifier qu'ils savent bien utiliser Firefox (oui, oui...) et trouver le site de la bibliothèque avant de passer à quoi que ce soit d'autre.
Avec les autres groupes, je vais pouvoir avancer plus vite et voir plus de choses.

Visualiser sans le stress de l'outil. Le truc important que j'essaie de transmettre à mes étudiants, ce n'est pas forcément la technique d'utilisation d'un outil (ça en fait partie mais c'est loin d'être le premier point sur ma liste), mais la méthode qu'il y a derrière. C'est là que sont les compétences transférables qui leur permettront non seulement de savoir utiliser cette base de données en particulier, mais de savoir utiliser toutes les bases de données similaires (par exemple).

Du coup, si on se détache d'un outil particulier pour aller vers les concepts abstraits qui sont derrière, on peut s'éloigner des supports informatiques pour jouer avec des matériaux plus physiques. Avec des schémas et autres documents pédagogiques, ou avec des activités à faire "avec les mains" plutôt que sur ordinateur.
Et ça, c'est très bon quand on s'adresse à des personnes qui sont extrêmement stressées par l'utilisation d'outils informatiques. Cela permet de parler calmement d'un concept en particulier et de s'assurer qu'elles ont bien compris les bases avant de mettre le tout en application sur ordinateur.
Autre utilité : pour faire cours dans une salle non informatisée, où les étudiants ne vont pas pouvoir tester l'outil immédiatement. Ça permet de s'assurer qu'ils ont au moins saisi les concepts.
Et ça marche même avec les plus débrouillards qui n'auraient théoriquement pas besoin de cette béquille pour saisir comment écrire une équation de recherche par exemple. Dans mes questionnaires de feedback, les petites activités manuelles que je propose sont toujours ce qu'ils ont préféré dans la séance.

Dans les faits, qu'est-ce que ça donne ? Et bien des fiches d'activités comme le Good Search / Bad Search ou un jeu en groupe comme celui de la "Recette" ; je vous les avais présentés tout les deux dans mon article sur les pédagogies actives.
Ça peut aussi être de véritables petits jeux de société inventés pour l'occasion afin d'illustrer un concept, des puzzles, des activités se rapprochant plus des travaux manuels... J'en ai quelques exemples sous le coude en ce moment ; je vous les présenterais quand je les aurais testés sur mes étudiants.

Savoir prendre son temps. D'après les commentaires que je reçois dans mes formulaires de feedback, même quand je mets pas mal d'activités simples dans une session, les étudiants pensent toujours que la leçon allait à la bonne allure. Du coup, mieux vaut aller le plus doucement possible et les faire jouer avec les concepts au cours d'activités pédagogiques plutôt que de se précipiter pour essayer de voir le plus de choses possible en un temps record : ce n'est jamais du temps de perdu.

Revenir enfin à l'outil. À un moment ou à un autre, il faut bien lâcher ses petits papiers et revenir vers l'écran d'ordinateur.

Si j'ai affaire à un groupe de faible niveau assez homogène, on va aller très doucement et voir assez peu de choses. L'idée est de ne surtout pas les noyer, mais de les mettre suffisamment en confiance pour être sûre qu'ils sauront reproduire avec confiance les quelques étapes simples que je vais leur montrer.
Je montre chaque étape une part une et j'attends bien que tout le monde ait réussi à la reproduire sur son pc, même pour les trucs les plus élémentaires comme cliquer sur un bouton...

Si je n'ai pas pu diviser la classe en groupes de niveau, je demande à une collègue de venir m'aider et elle peut vérifier que tout le monde suit et aider les retardataires pendant que je présente des fonctionnalités plus avancées.

Des photocopies, rien que des photocopies. 
Quelle est l'utilité d'avoir des documents pédagogiques uniquement en ligne si les étudiants ont du mal à y accéder ? Pour les "computer literate", la question ne se pose pas. Mais pour les autres je suis devenue une adepte du bon vieux polycopié.
J'ai toujours de meilleurs retours quand je distribue les supports à l'ancienne. Bien entendu, je mets aussi tout en ligne et je leur envoie un email avec les liens juste après la formation.

Autre exemple : quand mon formulaire de feedback était en ligne, je n'avais environ que 25% de réponses. Maintenant, j'en distribue une copie imprimée qu'ils remplissent avant de partir et j'ai un taux de réponses de 100% !
Certes, c'est mauvais pour les arbres... Mais je n'ai pas encore trouvé de meilleure alternative.

Un dernier point :
Former les formateurs. Je propose systématiquement aux professeurs d'assister à la formation avec leurs étudiants : souvent, ils en ont plus besoin qu'eux ! En particulier ceux qui rechignent à me donner du temps pour passer dans leur classe : c'est souvent qu'ils n'ont pas idée de tout les savoir-faire que nous pouvons leur apporter. Et parfois leur "computer literacy" laisse elle aussi à désirer...
Et à ceux qui n'ont pas pu venir, je propose de venir les former en seul-à-seul directement dans leur bureau. Ils ne m'échapperont pas !


La photo ci-dessus est de Phil Gyford. Elle est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 Générique.

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