jeudi 22 novembre 2012

La réponse inattendue



J'ai ouvert ce blog pour résoudre un problème simple, un problème d'identité. Sauf que je n'en avais pas encore conscience. Je venais dans les faits de devenir BAS, mais je n'arrivais pas à m'approprier cette nouvelle étiquette. Depuis plusieurs années, j'étais, dans de nombreuses facettes de mon quotidien, une aspirante bibliothécaire, voire une aspirante conservatrice. C'est pourquoi j'ai commencé ici à parler de concours : c'est l'état d'esprit dans lequel j'étais depuis longtemps et je n'avais pas encore réussi à faire le deuil de cette part de moi.
Et puis j'ai renoncé à concourir, j'ai décidé de me donner le temps de découvrir mon nouveau métier. J'ai eu quelques surprises, j'ai eu du mal à m'y faire, j'ai beaucoup tâtonné. Autour de moi, le reste de ma vie aussi était en mutation. J'ai appris à vivre dans une ville nouvelle, dans une disposition différente, dans un mode de vie différent.
J'ai passé un été mouvementé, à me demander si un jour je pourrais revenir vraiment à ma vie d'avant. Comme toujours, c'est en remontant dans le train que je me suis aperçue qu'en fait, je m'étais bien réhabituée à la vie de province et que je m'interrogeais un peu quant à l'idée de redevenir parisienne.
Enfin, l'automne est arrivé et je me suis aperçue que la métamorphose avait pris. Comme ça, sans faire de bruit. J'ai enfin le sentiment d'avoir une identité un peu stable, malgré le monde toujours mouvant autour de moi. Même si tout n'est pas encore parfaitement en place, je suis heureuse d'avoir une vie qui me permette à la fois d'exercer un métier que j'aime, de retourner régulièrement dans ma région de cœur, et parfois de partir loin, d'aller à l'aventure. Car pour pouvoir s'échapper, il faut aussi savoir que l'on peut revenir. Il faut un point de départ, un point de chute. Et au travers de mon identité professionnelle, c'est un peu ça que j'ai récupéré.

Tout ça pour dire que je reviens de Londres où j'ai passé trois jours passionnants, à faire des choses sans rapport avec le monde bibliothéconomique et à rencontrer des gens merveilleux. Mais, au soir du dernier jour, alors que j'allais repartir pour la gare, j'ai longé un bâtiment au travers des vitres duquel on pouvait voir un groupe d'enfants très animé en train d'encourager deux petits qui jouaient à un jeu vidéo. C'était la section enfant de la St Pancras Community Library.
Qu'auriez-vous fait ? Bien sûr, je suis entrée. Le tournoi FIFA 13 du jour était publicisé en grand sur les portes de la bibliothèque. Dès l'entrée, on tombait sur les présentoirs de DVD (tous très récents) et de jeux vidéos, dans une présentation tenant plus du magasin de location que de la bibliothèque traditionnelle. A droite, l'espace "youth" avec d'innombrables clones de Twilight, à gauche, l'espace informatique aux ordinateurs flambants neufs et deux automates de prêt. Le fonds était très restreint (c'est vraiment une petite bibliothèque) mais très récent et très orienté vers les besoins du public (uniquement des guides de voyages dans les 900 par exemple). Les fictions, dans de petites étagères basses, étaient divisées entre "romances" et "thrillers". Un groupe de tous âges discutait dans le petit "study space" et semblait comparer des cartes de visite. Pendant les quelques minutes que m'a pris ce petit tour des lieux, je n'ai pu réprimer le grand sourire sur mes lèvres. A ce moment-là, je n'étais plus une simple touriste dans la capitale britannique, j'étais une bibliothécaire en goguette. J'étais une bibliothécaire.

Depuis plusieurs semaines, je jouais avec l'idée de fermer ce blog. Je n'ai plus de problème, j'ai enfin trouvé mon identité professionnelle, je n'ai donc plus grand chose à dire sur le sujet et mes billets brillent surtout par leur absence. Je ne sais pas si je continuerais à écrire ici. Je crois qu'en fait, je préfère que le monde du travail reste entre les murs de mon établissement, pas vraiment qu'il entre dans l'intimité de mes soirées et de mon ordinateur portable. Mais peut-être continuerais-je à venir partager ici quelques pensées ou quelques trouvailles. Parce que, même en fermant la porte du bureau pour m'en retourner vers les affres de ma vie personnelle, même en randonnant à coeur joie sur un flanc de montagne, même en me baladant dans une ville inconnue, il semblerait qu'en fait, aux tréfonds de moi-même, je reste une bibliothécaire.


Licence Creative CommonsPhoto : prise par moi-même au Highgate Cemetery de Londres en novembre 2012.
Ce texte et cette photo sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage à l'Identique 2.0 Générique.

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